Le terme « zoonoses » fut créé par Virchow au XIXème siècle à partir de deux racines grecques : «zoo» l’animal et «nosos» la maladie, ou « maladie due aux animaux ».
La définition classique « historique » des zoonoses, donnée par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) en 1959, décrit les zoonoses comme des « maladies et infections qui se transmettent naturellement des animaux vertébrés à l’homme et vice versa».
Une nouvelle définition des zoonoses, élaborée à la lumière des connaissances acquises à ce sujet, a été proposée par Savey & Dufour (2004) : les zoonoses sont des « maladies, infections ou infestations provoquées par des agents transmissibles (bactéries, virus, parasites ou prions) se développant au moins chez deux espèces de vertébrés dont l’homme ».
Nous évoquerons ici les différentes zoonoses relatives aux ophidiens et leurs symptômes sur les humains afin de sensibiliser les détenteurs de reptiles aux risques sanitaires éventuels et aussi à les inciter à se diriger vers un vétérinaire compétent, dans le cas de soucis de santé de leur animal, plutôt que de faire des rapprochements avec des signes interprétés.
Bactéries
Salmonelloses (Salmonella spp.)
Présente à près de 90 % chez la majorité des reptiles et amphibiens, c’est la principale zoonose transmise par les reptiles.
Les personnes les plus susceptibles de contracter une salmonellose grave sont les enfants en bas âge (jusqu’à 10 ans) chez qui on observe parfois des complications (septicémie avec hépatite, endocardite, méningite, arthrite …) ainsi que les sujets immunodéprimés (SIDA, personnes âgées, etc…).
Symptômes:
Elle se traduit dans la majorité des cas par des gastroentérites, mais dans 15 % des cas il s’agit de formes invasives, incluant septicémie, méningite et lésions osseuses ou articulaires, douleurs abdominales, des crampes, diarrhée sévères fébriles avec déshydratation, dysenterie, nausées, vomissements et fièvre.
Campylobactériose (Campylobacter fetus)
La campylobactériose humaine affecte fréquemment l’enfant de moins de 2 ans ou l’adulte immunodéprimé. C’est une maladie causée par une bactérie appelée Campylobacter. La campylobactériose infecte les intestins et, parfois, le sang. Il existe 16 espèces et six sous-espèces de la bactérie Campylobacter, dont C. jejuni et C. coli, qui sont signalées le plus fréquemment dans la maladie humaine.
Symptômes:
Diarrhées aigüe fébrile, gastro-entérite alimentaire
L’incubation de la maladie dure 2 à 11 jours, les facteurs débilitant, le stress, la grossesse et une immunodépression étant des facteurs aggravants. On retrouvera comme symptômes principaux : une douleur abdominale précédant une diarrhée modérée à sévère, profuse et sanguinolente en fin d’évolution (diarrhée généralement moins aiguë mais plus longue que dans le cas de salmonelles), une fièvre et des vomissements, souvent accompagnés de douleurs diffuses articulaires, musculaires et dorsales ainsi que des maux de têtes et des malaises.
C’est en fait une entérite invasive et inflammatoire principalement de l’iléon et du jéjunum, le côlon pouvant à son tour être touché, on distingue alors trois formes cliniques :
- Une forme septicémique pure assez grave.
- Une forme localisée (arthrites septiques, méningo-encéphalite, endocardites, avortements, etc…) le plus souvent associée à une septicémie.
- Une forme dysentérique se traduisant, après 2 à 5 jours d’incubation, par des manifestations allant d’une excrétion quasi asymptomatique en dehors des diarrhées à un cocktail de symptômes plus ou moins graves décrits ci-dessus.
L’évolution de la maladie est en général favorable avec guérison spontanée en 7 à 10 jours, cependant une mortalité est envisageable chez les personnes fragilisées.
Fièvre Q (Coxiella burnetii)
Proteobacteria de la famille des Coxiellaceae. C’est une bactérie à Gram négatif, intracellulaire stricte et ciblant surtout les macrophages, généralement de très petite taille et en forme de court bacille polymorphe.
La source principale de contamination est constituée par les produits de parturition et les sécrétions vaginales lors des mises bas ou avortements d’un animal infecté et les excréments. La bactérie peut aussi être excrétée dans les urines et les selles. la contamination humaine se fait le plus souvent par inhalation d’aérosols ou de poussières contaminées dans lesquelles la bactérie peut résister pendant longtemps.
Sa grande particularité est de pouvoir développer des formes de survie s’apparentant à des spores, formes qui sont très résistantes dans l’environnement ainsi qu’à la plupart des désinfectants chimiques utilisés, à la dessiccation, aux variation de pH et au gel. Elle peut ainsi persister dans le sol, le fumier ou les poussières pendant plusieurs mois et, lorsque les conditions sont favorables (temps sec et vents dominants), être disséminés sur de grandes distances.
Concernant les reptiles, il semble que la piqûre par une tique soit souvent à la base de la contamination mais les aérosols contaminés produits par ceux-ci et leurs griffures ou morsures peuvent également en être la cause.
Symptômes:
Forme inapparente, forme pseudo grippale fébrile, forme pulmonaire et cardiaque sévère
Rouget (Erysipelothrix rhusiopathiae)
Les cas de rouget sont peu fréquents en France. Il se transmet à l’homme à la faveur d’une inoculation cutanée : lors d’une autopsie ou de la manipulation d’une carcasse d’animal atteint.
La maladie humaine appelée érysipèle (érysipéloïde de Baker-Rosenbach) n’est pas due à E. rhusiopathiae mais à différentes bactéries, des genres Streptocoque et Staphylocoque.
Symptômes:
Forme cutanée : en 2 à 3 jours, œdème rouge violacé extensif très douloureux (sensation de brûlure, démangeaisons intenses) au point d’inoculation avec bourrelet périphérique. Ganglion correspondant douloureux.
Forme septicémique : très rare et favorisée par l’immunodépression, elle est généralement associée à une localisation cardiaque (valvulopathie) ou articulaire.
Tuberculose (Mycobacterium marinum)
Autrefois appelée phtisie, signifiant « dépérissement », la tuberculose est connue depuis l’antiquité mais les organismes mis en cause dans cette maladie n’ont étés découvert qu’en 1882 par un certain Robert Koch, médecin allemand. Il s’agit d’un bacille de la famille des mycobactéries, le plus connu et répandu étant Mycobacterium tuberculosis, généralement appelé du nom de son découvreur le bacille de Koch. Plusieurs autres espèces de mycobactéries sont susceptibles d’être transmissibles de reptiles à Homme tel que M. marinum, M. avium et d’autres encore sont un peu plus spécifiques comme M. ranae, M. xenopi, M. chelonei, M.thamnapheos ont étés mis en évidence chez les reptiles.
Ce sont donc des bacilles acido et alcoolo résistants très difficiles à diagnostiquer et qui sont responsables de diverses mycobactérioses plus ou moins graves dont la tuberculose.
Maladie sporadique chez les reptiles, la tuberculose est, chez l’Homme, l’une des maladies dues à un unique agent infectieux les plus meurtrières au monde, située en seconde position juste après le VIH/SIDA.
La contamination peut se faire par contact direct à partir de griffures, morsures, défécations et jetage lors de la manipulation de l’animal ou du nettoyage du terrarium. L’inhalation d’aérosols infectés et le contact avec les muqueuses buccales et respiratoires
peuvent aussi provoquer la maladie. Chez l’homme, la tuberculose se propage par voie aérienne lorsque la personne atteinte tousse, éternue ou crache, projetant alors des germes dans l’air qui vont êtres respirés par une autre personne.
Symptômes:
Lésions pulmonaires, cutanées, buccales, viscérales ou nerveuses.
Dans le cas d’une tuberculose active, les symptômes (toux parfois accompagnée d’hémoptysie, douleurs dans la poitrine, faiblesse générale, fièvre, sueurs nocturnes, perte de poids) peuvent rester modérés durant de nombreux mois, repoussant d’autant la consultation et le diagnostic et se traduisant parfois par la contamination de nombreuses personnes.
Aéromonose (Aeromonas sp.)
L’infection peut se produire par un contact avec de l’eau contaminée sur des plaies ou des blessures ou lors de morsures ou griffures de reptiles plus ou moins aquatiques. Il n’existe a priori pas de contagion directe de reptile à reptile mais un petit acarien mésostigmate (Ophionyssus natricis) peut être un vecteur de transmission entre reptiles lors d’un repas de sang, bien que la bactérie ne puisse survivre plus de 48h chez celui-ci.
Symptômes:
Après morsure ou griffure par un animal porteur ou contamination d’une plaie par l’eau, se développe souvent une dermatite papulo-vésiculeuse, l’infection à Aeromonas hydrophila pouvant entraîner des complications gastro-intestinales ou non gastro-intestinales.
Les symptômes de l’infection gastro-intestinale vont de la diarrhée aqueuse à la diarrhée dysentérique ou sanglante, une infection chronique étant également possible. Les complications non gastro-intestinales de l’infection à A. hydrophila vont pouvoir comprendre un syndrome hémolytique et des néphropathies ainsi que de la cellulite (voir ci-après), des infections de plaies et des tissus mous, une méningite, une bactériémie et une septicémie, des infections oculaires, une pneumonie et des infections des voies respiratoires, des infections des voies urinaires chez le nouveau-né, une ostéomyélite, une péritonite et une cholécystite aiguë.
Une diarrhée intermittente persistante peut évoluer vers une infection grave, parfois même plusieurs mois après l’infection initiale.
Pseudomonas
Les reptiles restent généralement asymptomatiques et porteurs sains de ces bactéries mais, malgré cela, des symptômes peuvent se développer du fait de conditions favorables, ou plutôt défavorables pour l’animal, tels que des mauvaises conditions de détention (températures trop basses, malnutrition…) ainsi qu’une mauvaise hygiène.
les morsures et griffures sont les modes d’infection les plus courants, le contact seul de la bactérie n’étant pas suffisant à l’infection, ceux-ci offrent alors une porte d’entrée en plus d’y apporter les agents pathogènes. L’inhalation ou l’ingestion des bactéries par manque d’hygiène peuvent aussi être à l’origine d’infections. Celles-ci peuvent aussi survivre durant des mois sur des surfaces sèches et des objets inanimés ainsi que dans des micro-gouttelettes et demeurent ainsi longtemps en suspension dans des aérosols rendant possible une transmission par voie aérienne ou par contact direct avec de l’eau contaminée
Symptômes:
La bactérie la plus répandue chez l’Homme est donc Pseudomonas aeruginosa, appelée aussi bacille pyocyanique en rapport avec les pigments bleu-vert qu’elle produit généralement. Celle-ci est surtout considérée comme un agent pathogène opportuniste puisqu’elle s’attaquera principalement aux personnes dont le système immunitaire est affaiblit ou déficient (VIH, âges extrêmes, BPCO, diabétiques…).
L’infection va souvent siéger dans les voies respiratoires inférieures et sa gravitée peut varier d’une colonisation sans réponse immune à une bronchopneumonie nécrosante sévère, une telle infection étant quasiment impossible à éradiquer une fois établie chez une personne immunodéprimée. La pneumonie due à cette bactérie se développe souvent après une contamination oro-pharyngée liée à la ventilation mécanique dans les unités de soins intensifs. Parmi les autres colonisations possibles, on peut citer l’endocardite, l’ostéomyélite, les infections urinaires, les infections gastro-intestinales, la méningite et la septicémie.
Parasites
Ophidascarose (Ophidascaris spp. > famille des nematodoses)
A ce jour, aucun traitement médicamenteux ne permet d’éradiquer complètement ce parasite, ni chez le reptile, ni chez l’Homme. Chez le reptile, on peut éventuellement procéder à une extraction des adultes par voie endoscopique et, chez l’Homme, les kystes larvaires calcifiés doivent être retirés chirurgicalement.
C’est un nématode de la famille des Ascaroïdés, parasite gastrique et œsophagien des reptiles et plus particulièrement des serpents, qui peut infester l’Homme dans notre cas, c’est l’Ophidascaris sp. Ce parasite infeste les serpents (hôtes définitifs) lorsque ceux-ci ingèrent un hôte intermédiaire contaminé par une larve infestante, généralement un rongeur ou une grenouille.
Les larves vont alors migrer dans l’estomac du serpent, évoluer en adulte et pondre des œufs rejetés dans les fèces et les régurgitations de ces reptiles. Le parasite va provoquer chez ces animaux des gastrites et gastro-entérites ulcéro-nécrotiques, des abcès et des épaississements du tube digestif ainsi que des vomissements, la mortalité est élevée.
Symptômes:
L’Homme pourra être contaminé par ingestion des œufs larvés sur des aliments souillés ou encore à cause d’une mauvaise hygiène des mains. Les œufs vont éclore dans l’estomac et les larves vont migrer vers différents organes en formant des kystes qui peuvent persister longtemps après l’infestation primaire. L’ophidascarose humaine reste le plus souvent inapparente mais les premières phases d’infestation peuvent s’accompagner d’une hépatomégalie ou d’une pneumonie et on peut observer par la suite des larva migrans cutanées (urticaire, papules, prurit), viscérales (digestives, respiratoires ou oculaires) ou neurologiques (encéphale). C’est une cyclozoonose assez fréquente mais qui est le plus souvent bénigne.
Pentastomose (Armillifer spp.)
La pentastomose est une zoonose rare mais fréquemment observée en Afrique et en Asie. L’espèce la plus documentée chez l’homme est Armillifer armillatus, responsable de pentastomose viscérale en Afrique de l’Ouest et centrale. La pentastomose à Armillifer armillatus est observée chez l’homme consommateur de viande de serpent infectée insuffisamment cuite ou en contact avec le reptile infecté. Elle est causée par les Porocéphalidés, « pararthropodes » appartenant au groupe des Pentastomides. Ils parasitent de manière sub-clinique les poumons des reptiles (ophidiens et sauriens).
On en distingue trois principaux genres :
- le genre Armillifer (A. armillatus chez les pythons et les vipères du genre Bitis, A. moniliformis et A. grandis ) est le principal agent de pentastomose humaine
- le genre Porocephalus (P. crotali chez les boas et crotales)
- le genre Kiricephalus (colubridés)
L’Homme se contamine par ingestion d’œufs présents dans les fèces et la salive des serpents atteints (eau ou aliments souillés, mauvaise hygiène des mains).Après éclosion des œufs, les larves migrent dans divers organes (foie, poumon, encéphale, séreuses).
Symptômes:
Les larves peuvent engendrer des lésions de cirrhose hépatique, d’ictère, de pneumonie purulente, de méningite, de péricardite ou de péritonite. Par la suite (en 1 à 2 ans), les larves s’enkystent. On a rapporté plus rarement des cas d’atteinte conjonctivale due à A.armillatus (contamination oculaire par des doigts souillés).
Les principaux cas zoonotiques sont liés à des serpents importés, mais cette zoonose reste exceptionnelle.
Zygomycose (Basidiobolus ranarum, Conidiobolus)
C’est un champignon de la classe des Zygomycètes: Entomophthorales ou Mucorales. La transmission à l’Homme, se fait à partir de reptiles infestés, par voie respiratoire principalement et plus rarement par voie digestive ou par passage trans-cutané.
Symptômes:
Le tableau clinique est polymorphe et dépend du parasite incriminé :
- Basidiobolus ranarum est responsable de lésions granulomateuses sous-cutanées. Elles sont le plus souvent localisées aux fesses et aux cuisses. La maladie est généralement bénigne mais peut se généraliser et entraîner la mort.
- Conidiobolus spp. engendre des lésions de l’appareil respiratoire, du médiastin, du péricarde et des poumons.
- Les mucormycoses atteignent la muqueuse nasale et les sinus paranasaux, puis s’étendent aux orbites, aux méninges et à l’encéphale. On observe des formes rhinocérébrales mortelles, des formes pulmonaires, gastrointestinales, sous-cutanées ou disséminées.
Règles de prophylaxie sanitaire
L’hygiène est, dans tous les cas, l’arme la plus efficace contre toute infection, pour la manipulation de l’animal lors du nettoyage de la cage il est nécessaire de respecter certaines règles de prophylaxie sanitaire destinées à minimiser les risques à leur contact, règles valable pour toutes les zoonoses :
- Se laver systématiquement et consciencieusement les mains à l’eau chaude et au savon antibactérien pendant au moins 30 secondes après avoir manipulé un reptile (ou un autre animal) ou touché un accessoire de son terrarium.
- Ne pas installer de terrarium dans une pièce de la maison destinée à la prise des repas ou au stockage des aliments (cuisine, salle de séjour, cellier).
- Désinfecter régulièrement à l’eau de Javel tout le terrarium (revêtir, pendant cette manœuvre, des gants à usage unique et, si possible, un masque de protection, et ne jamais se servir d’ustensiles de cuisine pour effectuer ce nettoyage).
- Ne jamais nettoyer le récipient d’eau ou les éléments de décor du terrarium dans l’évier où est lavée la vaisselle ou dans le lavabo de la salle de bains.
- Préférer l’hygiène à l’esthétisme lors de la conception d’un terrarium. Pour
permettre une bonne désinfection, il faut réaliser un décor simple, facile à assainir. - Ne pas manger, boire ou fumer pendant que l’on manipule un reptile ou que l’on nettoie son terrarium.
- Ne jamais embrasser un reptile.
- Déconseiller les manipulations aux jeunes enfants, femmes enceintes et autres sujets immunodéprimés.
- Eviter les contacts directs entre des reptiles et d’autres animaux vivant sous le même toit.
- Toujours désinfecter et surveiller une plaie par morsure ou par griffure occasionnée par un reptile.
Sources
Risques zoonotiques liés a l’importation de nouveaux animaux de compagnie – Anne, Isabelle PRAUD, (Thèse 2009)
Reptiles en tant que nac et risques sanitaires associés – Bocquillon Liger-belair Benoît, Guy, Pierre, (Thèse 2014)
http://www.inrs.fr/baobab/baobab.nsf/
http://www.em-consulte.com