Introduction
En temps que poïklothermes, les serpents sont dépendants de l’environnement extérieur pour réguler leur température. Cette régulation leurs sert pour de multiples raisons. J’analyse ici la raison qui me pousse à ne pas utiliser de système de chauffage.
Analyse de l’utilisation d’un point chaud par le serpent
In situ, les serpents utilisent la thermorégulation pour de nombreux points dont certains sont très loins d’être claires. Par exemple, des études réalisées en 2016 par George Todd, Alicia Jodrey et Zachary Stahlschmidt n’a pas démontré de corrélation évidente entre le système immunitaire et la thermorégulation et ce, même si un changement de comportement a pu être observé.
La thermorégulation efficace, c’est à dire le moment le plus adapté par le serpent pour sortir de sa cachette et se thermoréguler favorisera la transmission de ces gênes par voie reproductive (BAEK, Jason, 2016).
Qui dit thermorégulation, dit besoin de se camoufler. Hors, de nombreuses hypothèses, souvent vérifiés suggèrent que la coloration de l’animal dépend de sa capacité à se camoufler et se thermoréguler (RAJABIZADEH, Mahdi, ADRIAENS, Dominique, KABOLI, Mohammad, et al., 2015).
Il est courant, notamment en terrariophilie, d’associer thermorégulation et (vitesse de) digestion. Certaines études démontrent que celles-ci sont effectivement liées mais très dépendant du biotope. Ainsi, un Crotalus horridus ou un Heterodon nasicus, deux chasseurs embusqués dans un milieu aride n’ont pas le même besoin qu’une espèce chasseuse dans un milieu plus tempéré (KIRKPATRICK, Sarah Joanne., 2016, BUCHANAN, Scott W., TIMM, Brad C., COOK, Robert P., et al.Spatial ecology and habitat selection of eastern hognose snakes. The Journal of Wildlife Management, 2017, vol. 81, no 3, p. 509-520.). L’énergie dépensée pour digérer est donc naturellement plus importante et plus longue dans ces milieux frais que les 2 espèces citées.
De nombreux autres points démontrant l’importance de la thermorégulation dans la survie et l’évolution des serpents existent, comme le démontrent de nombreuses études.
Sortie naturelle des serpents
Dans la nature, les serpents sont capables de survivre à des températures très fraiches, proches de 0°C. Preuve en est, les températures nocturnes des déserts ou celles lors des périodes hivernales, tout autour du monde. Cependant, les températures trop élevées sont plus difficilement supportées. En effet, des espèces vivants pourtant dans des milieux arides ne supportent pas une température corporelle supérieur à 33°C. À 38°C, des cas de paralysie caudale ont été observés (COWLES, Raymond Bridgman, BOGERT, Charles Mitchill, et al, 1944)
L’activité naturelle des serpents se situe dans la majorité des cas entre 16°C et 25-29°C.
Le dilemne en terrariophilie
L’importance en terrariophilie sera de trouver le compromis entre la digestion énergétiquement peu coûteuse pour le serpent captif grâce à la thermorégulation et ses activités. Comme vous aurez pu le lire dans de nombreuses pages de ce site, les matériaux ainsi que la structure du biotope et du décors influencent énormément les paramètres hygrométrique et température.
Ma méthodologie
Elle n’engage que moi. Dans un premier temps, j’ai grandement diminué mes fréquences de nourrissage, partant du principe qu’en terrariophilie, nous sur-nourrissons nos serpents. Ainsi, en dehors des problèmes caloriques imposés à mes serpents, j’espace et diminue cette dépense d’énergie.
Ensuite, je prends en compte que le biotope de mon terrarium forme un tout avec la pièce d’élevage. Je pars donc du principe que la température et l’hygrométrie minimales ne peuvent pas aller plus bas que la température et l’hygrométrie ambiante de la pièce.
Partant de ce principe, je cherche systématiquement, dans la construction du biotope à créer à l’aide des éléments de décoration des zones d’ombres. Dans le cas d’espèces arboricoles, je cherche à placer en hauteur du feuillage (qu’il soit vrai ou faux n’a pas de réel importance, leur but étant de créer une barrière à la chaleur ainsi qu’une zone d’ombre), des branches plus ou moins épaisses, etc… Dans le cas des espèces dites semi-arboricoles, je respecte ce même principe, mais le complète avec ce que je fais pour les espèces fouisseuses et terrestres, à savoir: augmenter la quantité de substrat, placer des éléments qui permettent de se cacher des « rayons lumineux » voir faire des sortes de grottes ou galeries légèrement enfouies dans le-dit substrat. Ceci peut-être fait avec des rochets (vrais ou faux, ils présentent eux aussi une protection à la température), des cailloux, des branches, de troncs creux, des plantes, des grottes artificielles (exemple: exo-terra), etc… L’idée est de créer une possibilité pour le serpent de se cacher, ou au minimum se distancer d’une source de chaleur.
Pourquoi je parle de source de chaleur alors que je n’utilise pas de chauffage ? Tout simplement parce que je n’utilise pas de système lumineux non chauffant, comme les LEDs. J’utilise une rampe d’éclairage standard avec des ampoules standard à filament et ces dernières crées naturellement une source de chaleur. De ce fait, je suis capable selon la structure de mon biotope d’avoir des points chaud à 26-28°C et des points froid à température ambiantes de ma pièce, variant entre 16°C et 22°C. Hors, c’est également là que les serpents vivent leurs piques d’activités dans la nature.
Différences jour / nuit ?
La nuit, les lampes s’éteignent par programmation à 21h00, il m’arrive de le faire moi même plus tôt, ou au contraire de laisser allumer plus longtemps. La nuit, la température dépendra alors dans l’ensemble du terrarium à la température ambiante de ma pièce. Pourquoi je ne cherche pas à créer une plus grande différence que ça, tel qu’on peut le voir dans de nombreuses « fiches d’élevages » ? S’il est bien sûr possible que dans la nature des variations importantes existent entre le jour et la nuit, elles sont d’une part, beaucoup plus importantes que ce que l’on fait en terrariophilie et d’autre part, le résultat d’une constatation sur les espèces que je maintiens et qui vivent dans des endroits très variés et variables.
Conclusion
Je suis un fervent défenseur des conditions réelles de maintient des serpents, bien que j’ai tout à fait conscience de l’impossibilité de répondre à tous les critères qui forment les écozones naturelles, ne serait-ce que part les distances étendues que peuvent parcourir les mâles en périodes de reproduction. Par ailleurs, il y a un réel manque d’études sur les effets concrets des différentes méthodes d’élevages relatives à la thermorégulation. Cependant, je pense que créer un environnement thermorégulé stable et limiter les coûts énergétiques liés à la digestion et à la chasse dans nos terrariums est une excellente idée de détention et tente, par conséquent, de me rapprocher réellement de cette méthodologie.
Sources
TODD, George, JODREY, Alicia, et STAHLSCHMIDT, Zachary. Immune activation influences the trade-off between thermoregulation and shelter use. Animal Behaviour, 2016, vol. 118, p. 27-32.
BAEK, Jason. Heat Vision: Superman or Pit-Bearing Snakes?. Journal of Student Science and Technology, 2016, vol. 9, no 1.
RAJABIZADEH, Mahdi, ADRIAENS, Dominique, KABOLI, Mohammad, et al. Dorsal colour pattern variation in Eurasian mountain vipers (genus Montivipera): a trade-off between thermoregulation and crypsis. Zoologischer Anzeiger-A Journal of Comparative Zoology, 2015, vol. 257, p. 1-9.
KIRKPATRICK, Sarah Joanne. Does digestion affect thermoregulation in free-ranging timber rattlesnakes (Crotalus horridus)?. 2016. Thèse de doctorat. Middle Tennessee State University.
BUCHANAN, Scott W., TIMM, Brad C., COOK, Robert P., et al.Spatial ecology and habitat selection of eastern hognose snakes. The Journal of Wildlife Management, 2017, vol. 81, no 3, p. 509-520.
COWLES, Raymond Bridgman, BOGERT, Charles Mitchill, et al.A preliminary study of the thermal requirements of desert reptiles. Bulletin of the AMNH; v. 83, article 5. 1944.